30/05/2015

OAF N°8 : Les Conservatoires regroupés : la vraie-fausse décentralisation


Les conservatoires de musique, danse, théâtre et arts plastiques sont, pour rappel, depuis leur origine en France, créés ou gérés par les collectivités locales, indépendamment de l’Etat. Et les écoles de musique associatives sont quant à elles financées jusqu’à 49 pour cent par les collectivités.
Alors qu’est venu faire l’Etat là-dedans ? Rien de plus en terme de financement car il a toujours été absent, sauf inscrire ces établissements dans le cadre des réformes et des lois de « décentralisation » : Loi de décentralisation Fillon, Loi Organique sur les finances (LOLF) et création des « schémas départementaux de territoires » en 2007 chargés d’inciter financièrement les communes à regrouper leurs compétences culturelles d’enseignement artistique…
La réalité est toute autre : c’est une recentralisation des pouvoirs de gestion de cette compétence d’enseignement aux mains des Communautés d’Agglomération au lieu d’une décentralisation auprès des communes. Le nom donné parfois aux établissements qui ont été transférés aux communautés est assez révélateur d’un auto-centrisme et peut friser le ridicule : certains se proclament « Pôle » (avec le côté assez lourdingue et m’as-tu-vu de ces dénominations (l’air de dire « regardez-nous, nous sommes incontournables, voir intouchables…»). « Pô-pôl », ça pourrait sonner un peu boulet. L’idée centraliste sous-jacente en tout cas n’est certainement pas la bonne.
A l’inverse, l’idée démocratique de « réseau » entre les communes (plus collaborative et non dirigiste) a été vite écartée par les Présidents des Communautés d’Agglomération qui se sont fait confier ces nouvelles responsabilités lors de leur création.
Plus l’entité gestionnaire est grosse, plus la transparence est absente. Il faut donc être perspicace pour découvrir qu’en réalité les conservatoires gérés par des intercommunalités coûtent plus cher à l’ensemble des communes que ce qu’ils coûtaient auparavant à chacune d’entre elles. Aucune intercommunalité ne va le dire, mais la part d’impôts finançant ces structures fait partit des impôts communautaires et sont répercutés sur les communes, donc sur leurs administrés. Le nombre de cadres gestionnaires (administratifs et pédagogiques) n’a pas diminué et a même souvent augmenté dans les conservatoires passés en Communauté d’Agglo, sans compter les cadres propres à ces intercommunalités qui sont en liaison. Les besoins ont augmenté pour faire ce qu’auparavant chaque structure faisait déjà, car le fonctionnement d’une structure unique centralisée est complexifié.
Du côté des personnels et des recrutements, la même logique prédomine : une telle communauté d’agglomération va se vanter de posséder 150 enseignants mais ne va en recruter aucun. Le personnel transféré qui était déjà fonctionnaire titulaire (souvent la génération intégrée depuis longtemps par les communes) va le rester mais la génération moins ancienne arrivée tout juste à temps avant le transfert des personnels ne verra pas la différence bien qu’étant déjà en CDI. Quant à ceux qui ne sont pas déjà dans le sérail de la communauté (par exemple en ayant fait des concerts gratuitement sur ce territoire pendant 10 ans, etc.), ils ne seront jamais intégré ou décrocheront, à compétence prétendument d’excellence musicale, un brillant CDD au 1er échelon du grade le plus bas des diplômés du baccalauréat. Artistes dans l’âme, il suffira de les flatter un peu sur les qualités requises pour les motiver pleinement dans le rôle.
C’est comme ça qu’en Seine et Marne ou ailleurs, les Intercommunalités gèrent sans vous le dire votre culture, votre argent et dans un cas plus rare, votre carrière. Un vrai agglomérat de missions impossibles en communauté.