21/09/2015

Et si la convention d'assurance chômage était annulée ?

Le rapporteur public du Conseil d'Etat vient de se prononcer en faveur de l'annulation de la dernière convention Unédic. Thomas Lyon-Caen, l’avocat des requérants, analyse l'«effet concret» que cela aurait pour les demandeurs d'emploi.

 

Vers une annulation de la Convention d'assurance chômage ?

Et si le Conseil d’Etat supprimait tout simplement la dernière convention
d’assurance chômage sur laquelle les partenaires sociaux se sont tant
écharpés en 2014 ? Et qui avait surtout déclenché la colère des
intermittents du spectacle et des militants des droits des chômeurs. Pas
impossible, à en croire les conclusions, rendues lundi, par le rapporteur
public du Conseil d’Etat, qui propose d’annuler l’arrêté du 25 juin 2014
portant agrément de la convention du 14 mai 2014 relative aux nouvelles
règles d’indemnisation chômage. Son avis fait suite au recours déposé, en
novembre 2014, par plusieurs associations (dont Recours radiation, la
Coordination des intermittents et précaires et le collectif les
matermittentes ou encore Sud Culture et la CGT) contre l’arrêté en
question. Le Conseil d’Etat devrait se prononcer d’ici deux à trois
semaines. Maître Thomas Lyon-Caen, l’avocat des requérants, revient sur
l’avis du rapporteur public.


Sur quoi se fonde l’avis du rapporteur public ? 

Ses conclusions mettent l’accent sur trois thèmes. Celui, tout d’abord des
indus ou trop-perçus. Aujourd’hui, la dernière convention de l’assurance
chômage permet à Pôle Emploi de récupérer directement, par une forme
coercitive, les sommes versées à l’allocataire et jugées indues. Or, le
rapporteur public estime que les partenaires sociaux n’avaient pas
compétence pour confier à Pôle Emploi ce pouvoir de se faire justice
soi-même.

Le deuxième point, très emblématique, porte sur les sanctions liées au
non-respect des obligations déclaratives des demandeurs d’emploi. En l’état
actuel, quand un chômeur travaille une journée et oublie de la déclarer,
Pôle Emploi récupère la somme versée au titre de cette journée. Ce qui est
normal. Mais ce qui est choquant, c’est que cette journée travaillée n’est
pas prise en compte pour le calcul des futurs droits du chômeur. Or, un
grand principe de l’assurance chômage, c’est que, normalement, chaque
journée travaillée compte pour l’ouverture des droits. C’est pourquoi le
rapporteur public, bien qu’il ne soit pas allé jusqu’à prendre parti sur le
fond du dispositif, propose de l’annuler. Là-aussi, il considère que les
partenaires sociaux n’avaient pas compétence pour décider d’un tel
dispositif.

Enfin, le troisième point concerne le différé d’indemnisation. Ce dernier
consiste à reporter dans le temps le versement des allocations chômage,
notamment en tenant compte des indemnités de licenciement versées par
l’employeur. Lorsque ces dernières sont déterminées a posteriori par le
conseil de prud’hommes, cela peut exposer l’allocataire au risque de devoir
rendre les sommes perçues. Aujourd’hui, ce différé peut atteindre 180
jours, soit six mois. Le rapporteur public a mis en avant l’inégalité
induite par ce système, puisque les salariés, compte tenu de leur
ancienneté et de la taille de leur entreprise, ne peuvent pas prétendre aux
mêmes niveaux d’indemnités de licenciement. Il a aussi considéré que cela
portait atteinte au principe de réparation intégrale du préjudice.


Qu’entend-on par annulation ?

Le rapporteur propose la suppression immédiate des deux premiers
dispositifs. Concernant le différé, il ne peut être annulé sans que cela ne
provoque l’annulation automatique de l’ensemble de la convention de
l’assurance chômage. Or, dans ce cas, on se retrouverait avec une forme de
vide juridique. Il n’est en effet pas envisageable que l’ancienne
convention de 2011 s’applique puisque les conventions sont conclues à durée
déterminée. Du coup, le rapporteur public propose de ne prononcer
l’annulation qu’à compter du 1er mars 2016. C’est un message envoyé aux
partenaires sociaux : le rapporteur considère que cela leur laisse le temps
pour se mettre d’accord sur une nouvelle convention.


En cas d’annulation, peut-il y avoir un effet rétroactif ?

Si les conclusions du rapporteur sont suivies, cela aura un effet concret
pour les gens. Les allocataires pourront demander un recalcul de leur droit
à l’indemnisation, intégrant les jours jusque-là non pris en compte par les
règles actuelles. De même, concernant des trop-perçus, ils auront la
possibilité d’agir contre Pôle Emploi et de demander que les sommes
récupérées par l’agence leur soient rendues. Mais l’effet sera surtout
pédagogique : les partenaires sociaux amenés à négocier un nouvel accord ne
pourront pas mettre à nouveau en place de tels dispositifs, tout comme ils
ne pourront pas intégrer un différé aussi long, car ils sauront désormais
que ces dispositifs ne sont pas conformes à la loi.


Quelles sont les chances pour que le Conseil d’Etat suive l’avis du
rapporteur public ?

L’expérience montre que dans la majorité des cas, le rapporteur public est
suivi par le Conseil d’Etat. J’ai bon espoir que ce soit le cas ici. 

 

Thomas Lyon-Caen, avocat associé au Conseil d’Etat et à la Cour de
cassation


http://www.liberation.fr/politiques/2015/09/17/vers-une-annulation-de-la-convention-d-assurance-chomage_1384487

12/09/2015

Asile ! C’est un droit !

Nous, citoyennes et citoyens d’Europe, sommes de la même humanité que ces femmes, ces hommes et ces enfants qui fuient la guerre et la misère pour ne pas mourir. Comme eux, nous avons des enfants, nous travaillons, nous aspirons au bonheur et nous savons les efforts nécessaires pour construire nos vies dans un monde où la loi du plus fort est toujours en vigueur. Le sort que l’Europe, celle qui a connu tant de guerres, qui a envoyé tant de réfugiés sur les routes, leur réserve nous révolte.

L’Europe ne peut proclamer que ses valeurs reposent sur les droits de l’Homme et traiter ces réfugiés comme des envahisseurs, compatir à leur sort et faire si peu, se les rejeter comme des marchandises illégales. Or, force est de constater que même la directive sur l’afflux massif de réfugiés, bien loin de ce qu’exige la situation dramatique actuelle, n’a pas été mise en œuvre.

Le destin de ces réfugiés, de ces migrants, c’est notre destin et notre avenir. En niant leur droit à l’asile, c’est notre propre avenir que nous mettons en péril tant nous aurons, tôt ou tard, à rendre compte de notre aveuglement et de celui de nombre de nos gouvernants.

Déjà en partie responsable des événements qui poussent sur les routes de l’exil tant de personnes, que restera-t-il de la crédibilité de l’Europe et de la France si nous refusons de les accueillir ?

Nous n’admettons pas, en tant que citoyens européens et français, le déni d’humanité qui est en train de se produire.

En France, nous exigeons du gouvernement qu’il appuie sans équivoque un accueil de ces réfugiés dans tous les pays de l’Union européenne.

Nous lui demandons de prendre toute sa part, ici en France, de cet accueil, et donc d’accroître considérablement les moyens mis en oeuvre.

Nous appelons toute la société civile à se mobiliser pour appuyer cette exigence et pour apporter l’aide et l’assistance nécessaire.

Nous appelons tous les hommes et femmes de bonne volonté à combattre ces discours indignes qui refusent à ces hommes, ces femmes et ces enfants leurs droits élémentaires d’êtres humains.

 Ensemble, nous demandons :
  • que tous les réfugiés soient accueillis dans des conditions respectueuses de leur dignité ;
  • une suspension des accords de Dublin et leur révision ;
  • l’organisation d’un grand débat public sur la question des réfugiés.

Ensemble, nous pouvons faire que l’intolérable cesse.

Rassemblement
Jeudi 17 septembre 2015 de 18h à 19h,

Place Gasnier Guy devant la gare RER de Chelles (77)


Organisations signataires : Mrap Chelles et environs, Resf Chelles

Agenda de l'Union Locale CNT de Chelles & Marne la Vallée

09/09/2015

Faut-il attendre 30 ans pour déclarer la guerre de classe ?

La presse s’est dernièrement faite l’écho d’une dépêche AFP qui relatait l’action entreprise, devant les prud’hommes de Bobigny, par un intérimaire qui dit avoir travaillé pendant 30 ans pour l’entreprise Placoplatre, en cumulant plus de 700 contrats Manpower.
L’intérimaire, qui outre Manpower a également assigné le groupe Placoplatre, demande la requalification de ses missions d’intérim en contrat à durée indéterminée.
L’intérêt de la presse ne dépassant pas le simple duplicata de la dépêche AFP, reprise partout, nous allons tenter ici de l’analyser à la lueur de notre flamme syndicaliste révolutionnaire.

 

Les faits tels qu’ils nous sont relatés.

Manutentionnaire, puis cariste, ce travailleur d’origine Malienne, de 55 ans aujourd’hui, a réalisé 703 missions de travail temporaire (de 2 jours à plusieurs mois), toujours au profit de Placoplatre, et sur le site de production du groupe de matériaux de construction en Seine-Saint-Denis [1].
Il en a été chassé fin 2013, pour avoir demandé un contrat stable permettant le regroupement familial.
Placoplatre aurait rejeté sa demande, en raison d’une « maîtrise limitée de la langue française ».

 

Un syndicalisme d’accompagnement.

Un an après son licenciement on retrouve donc ce salarié devant les prud’hommes.
On suppose que pendant plus d’un an ½, son dossier a accumulé la poussière, errant entre différentes permanences associatives et syndicales, allant de rendez-vous reportés à des interlocuteurs peu intéressés.
On peut s’étonner cependant du peu de réactivité des sections syndicales de la société d’intérim comme de l’entreprise utilisatrice. Qu’on donc fait pendant 30 ans les délégués syndicaux de ces entreprises pour un collègue dans une telle situation de précarité ?
Il semble que ce soit FO qui cornaque et fasse mousser l’affaire, avec un délégué syndical central de Manpower (Régis Verbeke) qui plastronne devant la presse, sans mettre plus en question la responsabilité de sa propre organisation.
Loin de plaider lui-même devant le Conseil des prud’hommes, on constate dans la suite de l’article l’intervention d’un avocat (Harold Lafond). Sur une affaire, somme toute assez simple à plaider, et compte tenu de la maîtrise supposée du sujet par un syndicaliste de l’entreprise Manpower, on s’étonne qu’il faille encore que le salarié mette la main à sa poche pour régler un Bavard.
Selon ce même syndicaliste, plusieurs autres intérimaires sont dans des situations comparables mais craignent s’ils saisissent la justice de perdre leur emploi.
Après un tel constat on a deux solutions : retourner se coucher, ou remonter ses manches pour reconstruire une véritable conscience de classe établie sur un réel rapport de force.
Il semble bien, ici encore, que le syndicalisme institutionnel soit atteint de l’apnée du sommeil.


Pour un syndicalisme d’action directe

Sans préjuger de ce qu’en pense le salarié, la dépêche AFP, toute empreinte d’humanisme, nous en dresse, à partir des propos du syndicaliste FO, un portrait post-colonialiste :
« C’était un bon soldat » (...) « Des années, il est resté sans vacances » (...) « il avait simplement demandé à être en CDI » (...) « c’est le genre de personnes qui endurent et ne se plaignent pas »
Si notre syndicat a pour vocation de défendre les intérêts immédiats des travailleurs de notre industrie, cela ne s’entend pas sans l’apprentissage d’une autonomie prolétarienne qui rompt avec les postures victimaires.
Mettre le syndicalisme devant ses responsabilités passe nécessairement par interroger les salariés sur leurs conditions d’exploitation et la tendance que peuvent entretenir certains (nombreux) à la collaboration de classe.
La dignité s’acquiert par la responsabilité des actes qu’on produit.
Quelques soient les difficultés (et elles sont nombreuses) à sortir de sa « condition d’exploitation », le chemin de l’indépendance et de l’autonomie passe par un apprentissage continu (professionnel, syndical, social, et personnel), qui nécessite une prise en charge individuelle au sein du collectif syndical.
  • Ce n’est pas au bout de 30 ans qu’on réclame un CDI, car sinon au delà de sa propre exploitation on fait perdurer un système général
  • On ne peut rester 30 ans dans un pays sans en connaître la langue (écrite et parlée), car sinon on se condamne à subir une domination dont on ne comprend pas les codes.
  • On ne reste pas isolé face à l’exploitation capitaliste, car la défense de ses propres intérêts passe par la construction d’un rapport de force qui nécessite la mutualisation des moyens de la lutte.
Pour tout cela le syndicat du bâtiment de la CNT-f en Ile-de-France propose de nombreux outils (sections syndicales d’entreprises, bureau de placement, permanence juridique, cours d’alphabétisation, commission logement, formation professionnelle et syndicale, …)

Au syndicat, même victime d’injustices, on est un travailleur qui se bat pour sa dignité !

 

Point de droit

Selon le Code du travail, le contrat d’intérim, « quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ».
Nous invitons tous les travailleurs intérimaires d’Ile-de-France à venir visiter notre permanence syndicale afin de construire les armes de leur libération.


[1L’usine placoplatre de Vaujour (93) est le premier centre mondial plâtrier employant 400 salariés et 3000 sous-traitants.

Source :  Syndicat Unifié du Bâtiment, des travaux publics, du bois, de l'ameublement et des matériaux de constructions (Région Parisienne)